Gilles Peress

Gilles Peress

#Photographe #Incontournable #Journaliste #Reportage
Gilles Peress est né en 1946 à Neuilly-sur-Seine. Il a étudié à l'Institut d'Etudes POlitiques à Paris puis à l'Université de Vincennes. Il rejoint Magnum Photos en 1972, il commence alors à documenter l'immigration en Europe. Ce travail prend la forme d'un cycle d'histoires documentaires décrivant l'intolérance et la réemergence du nationalisme depuis la Seconde Guerre Mondiale.

Gilles Peress est reporter à l'agence Magnum. Il vit à New York depuis plus de vingt ans. «Quand j'ai choisi d'aller en Bosnie, je n'avais pas l'intention de faire des photographies d'artistes ou une oeuvre quelconque. C'était ­ ce sont ­ des raisons de citoyen, morales, politiques, pour lesquelles je suis parti là-bas. Farewell to Bosnia ne signalait pas mon adieu à la Bosnie, il signifiait l'adieu du monde occidental qui a laissé tomber la Bosnie. Il y a très peu de moi dans ces projets. Ce n'est pas par rapport à moi, c'est par rapport à eux. J'ai choisi la photo parce que c'est quelque chose que je sais faire, c'est le seul mode que j'ai pour comprendre et formaliser la réalité. Je pense peu, je fais les choses, voilà. «J'essaie d'être un artisan. Il faut accumuler une somme de petites perfections pour montrer une grande imperfection. Si je réfléchissais, je ferais très peu de photos, je trouverais plein de bonnes raisons pour ne pas les faire. Surtout celles-là.» Un monde de mensonges. «Quand je fais ces photos, je suis hors de moi. S'il y a très peu de "je, c'est qu'il n'est pas question d'une quête ou d'une formation d'identité. Nous avons été témoins, nous savions ce qui allait se passer, nous n'avons rien fait. Dans ce sens-là, dans cette responsabilité, je me sens beaucoup plus défini que dans l'acte de photographier. Prendre l'appareil, c'est au moins me confronter à cette responsabilité-là: je ne veux pas ignorer.

«C'est plus facile de faire des photographies que d'avoir à déterrer tous ces cadavres. Ceux qui ont eu à faire ce travail, à Srebrenica, à Vukovar, ce sont eux les héros, pas le photographe. Mais il n'y a pas réellement de héros dans cette histoire, il y a beaucoup de médiocrité humaine, y compris la mienne. Mettez-vous à la place de ces familles assiégées pendant quatre ans, qui ont compté sur la conscience du monde et qui ont été trahies. Imaginez votre douleur si vous aviez perdu une mère, une soeur, un ami. Alors qu'on avait les moyens de l'empêcher, on n'a rien fait et on continue à ne rien faire. On vit dans un monde de mensonges, partout. Et surtout en France.»

Témoin. «Mes photos ne sont pas une vérité. Je suis photographe médico-légiste. Mes photos font partie du dossier sur Srebrenica, comme les photographies des archéologues sont d'autres documents de ce même dossier. J'ai fait le mieux que j'ai pu ­ je suis faillible. Je suis un témoin. Ce n'est pas seulement un devoir ou une question de mémoire. Est-ce qu'on va répéter le passé? Est-ce que nous allons collectivement continuer à régresser?

«Mes photos ne sont pas des preuves de ce que j'ai vu, elles existent pour que les autres les voient. Pour montrer, d'une manière malhabile, des fragments de réalité. Il y a toujours une faillite de langage ­ quel que soit le langage choisi ­ pour décrire l'énormité de la réalité. Sur une période de trois jours, 8 000 personnes ont été exécutées. Est-il possible d'imaginer ça? C'est la vraie question.»